Comme de la rage dans une cage (à homard)

Au menu: Les algorithmes rendent les discours politiques plus extrémistes, Chat GPT essaie de m’aider avec mon Bêtisier 2024 et analyses du terroir suite à l’élection de Trump.

Comme de la rage dans une cage (à homard)

Les mâles alpha comme moi ont eu une grosse semaine, mais je suis quand même fidèle au poste de cette infolettre, en direct de mon bureau (mon lit). Merci à ceux qui m’encouragent dans ma démarche. Je vous rappelle que mon empire médiatique se déploie en trois temps: l’infolettre quotidienne qui est une collection de sujets tout frais du jour, le balado dans lequel je développe certains de ces sujets avec une touche de crème et l’infolettre hebdomadaire où je m’épivarde un peu plus longtemps sur les dossiers qui méritent plus grande réflexion. Genre. Ah, et il y a le Sportnographe où je parle de Canadien en dilettante.

Enfin un centre de premier trio pour Canadien!
James Hagens pilotera le premier trio de Canadien.

Vous pouvez aussi me suivre sur Bluesky. C’est là que ça se passe, asteure. Pour l’instant, les gens y sont polis et inspirants. Contrairement aux autres plateformes, les publications suscitent de l’engagement. Pas besoin d’être tonitruant pour titiller les algorithmes et espérer que les gens réagissent. C’est rafraichissant. Je vois que certains fomentateurs de chaos s’y sont installés, on va voir s’ils vont réussir à foutre le bordel.

Extrémisme algorithmique

Justement, ce n’est pas une théorie nouvelle, mais j’ai trouvé que Taylor Lorenz dans ce texte faisait preuve d’une belle introspection:

 « Chaque fois que je publie des vidéos sur TikTok ou Instagram, je ne peux pas faire confiance aux plateformes pour vous montrer mon contenu. Les applications utilisent des algorithmes pour recommander du contenu organisé, ce qui signifie que je dois modifier mon style de communication pour m'adapter à leurs contraintes. Je parle plus vite, avec moins de nuances. J'hyperbolise et j'exagère ma voix naturelle, parce que je sais que c'est ce que l'algorithme veut. C'est une nuisance pour les créateurs, mais un problème beaucoup plus grave pour les politiciens, qui doivent également remodeler leurs messages en fonction des algorithmes des médias sociaux. »

Je vous faisais la nomenclature de mes activités ci-haut, mais il y aussi les petites vidéos que je publie sur Instagram, TikTok et YouTube dans lesquelles je résume rapidement un sujet avec un titre tapageur pour attirer l’attention dans l’espoir que peut-être quelqu’un en profitera pour écouter mon balado. Combien des 60 000 personnes qui ont vu ma vidéo pas très bonne sur xQC ont décidé de me suivre? Impossible de savoir.

Comme le dit Taylor Lorenz, cette réalité rend les discours politiques plus extrêmes. Ici comme aux États-Unis, les caciques de la droite mal pensante l’ont bien compris . Est-ce que pour obtenir le même succès, la gauche devrait être outrancière et malhonnête? Je n’en ai pas envie. Oui, je suis un peu agace avec mes vidéos, mais mon plus grand crime est de prendre des raccourcis en me faisant croire que les gens vont aller écouter l’histoire complète en balado ou dans l’infolettre.

Je ne pense toutefois pas que la nécessité de ne pas être subtil est quelque chose de nouveau. En fin de semaine, j’ai regardé quelques entrevues en marge du congrès du PLQ. Sur les écoles religieuses, le candidat à la chefferie Charles Milliard a nié ne pas avoir de position et a émis l’hypothèse que son opinion était trop nuancée pour que les médias en parlent. Un journaliste lui a répondu:

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« Si vous êtes trop nuancé, vous l’avez dit, dans une course, des fois il faut être blanc ou noir. »

En réponse, M. Milliard a promis d’être davantage blanc et noir. Tout est bien qui finit bien.

Bêtisier 2024

Parlant d’algorithmes et de politique, je viens de commencer à travailler sur mon Bêtisier de fin d’année. Ce sera la 9e édition. Vous pouvez les écouter les unes à la suite des autres pour avoir une idée de l’évolution du monde. Évoluer ne veut pas dire progresser, en passant.

Mais ce n’est pas de ça que je veux parler. L’étape la plus longue de la préparation de cette émission, c’est le classement des citations par thématiques. Je dois relire toutes mes chroniques, identifier ce qui est bon et classer le tout dans diverses catégories.

Cette année, je me suis dit que j’allais demander à Chat GPT de m’aider. D’un coup il me sauverait quelques heures de travail. Je lui ai donc envoyé un fichier texte avec mes 150 chroniques de 2024. C’est quelque chose comme 175 000 mots. Je lui ai demandé de me classer tout ça en diverses thématiques que je lui ai donné et je lui ai dit qu’il pouvait en trouver d’autres auxquelles je n’aurais pas pensé. Chat GPT m’a dit: pas de problème mon chum, je t’arrange ça.

Ça, c’était dimanche midi. Chat GPT m’avait demandé un petit délai pour faire le travail, mais je n’avais toujours pas de résultat le soir venu. C’est là que j’ai osé lui demander si ça avançait, ses affaires.

J'étais content qu'il note que mon style était subtil, mais le lendemain matin, ce n’était toujours pas prêt. J’ai donc insisté un peu. Encore une fois, il m’a dit très poliment que ça avançait bien. Comme je n’avais pas peur d’être trop gossant avec une intelligence artificielle, je l’ai harcelé pas mal toute la journée avec ça. Je n’étais pas sûr s’il me niaisait, mais comme il me tenait chaque fois au courant de ses progrès, je me disais c’était bon signe. Il m’a finalement promis que ce serait terminé pour le lendemain et mardi matin, effectivement, après quelques autres relances, il avait une bonne et une mauvaise nouvelle pour moi.

Depuis, je lui ai demandé à plusieurs reprises s’il avait trouvé une solution, mais non. Rien à faire. Le pauvre était vraiment désolé. J’avais de l’empathie pour lui.

Bref, c’était un échec lamentable.

En fait, le plus triste, c’est que je ne sais pas s’il avait fait une bonne job. Quand je lui ai demandé de me copier des bouts, ça ne ressemblait pas tellement à ce que j’espérais. Il y a encore du travail à faire du côté de l’analyse de texte. C’est moins compliqué d’apprendre à tirer des drones avec une mitraillette.

Tout ça pour dire que je vais préparer mon Bêtisier 2024 à bras, comme dans l’temps.

Plogues

Humour et politique

Ce texte de The Atlantic m’a quand même fait réfléchir sur mon travail cette semaine. Un texte sur Jon Stewart et l’influence en déclin des satiristes comme lui:

« En tant que visage d'une émission de télévision de longue date, Jon Stewart est contraint par les préoccupations d'audience et la logistique du temps d'antenne, mais il est également engagé à exécuter une routine qui a à peine changé au fil des ans : un monologue d'ouverture, suivi de segments dirigés par des correspondants, une interview d'un invité et un « moment de zen ». La nouvelle cohorte de podcasteurs se soucie peut-être aussi de l'engagement du public, mais ils sont plus agiles avec leur contenu et, par conséquent, ils deviennent plus influents. La plateforme choisie par Stewart pour sa satire politique n'est plus l'approche dominante pour la comédie politique. »

L’agilité est le mot-clé ici, je suppose. Parce que oui, une émission comme La journée, même si on a beaucoup de lousse, est circonscrite dans une case horaire, a des contraintes techniques et se base sur un cadre relativement redondant pour faciliter la production. Un influenceur de l’internet moderne peut varier les formats, les moments de diffusion, s’adapter à des situations et se décliner sous plusieurs formes.

Je pense que ce qu’on fait est encore pertinent à 100%, mais peut-être moins efficace pour concurrencer les influenceurs des médias alternatifs. Les balados les plus populaires, ceux qui ont le plus influencé la dernière élection aux États-Unis, sont pour la plupart ceux d’animateurs populistes de droite. Je ne fais pas cette job seulement pour rigoler, je le fais parce que je veux que ce soit utile, alors je suis toujours à l’affût des meilleures façons pour rejoindre les gens et ne pas laisser le champ libre aux zoufs de l’opinion publique.

Conclusions du terroir

Dans les années suivant l’élection de Trump en 2016, j’avais eu l’impression qu’une certaine parole s’était libérée chez les médias louches que j’observe. Peu de gens appuyaient Trump, même à Radio X. On le trouvait too much. Bizarrement, même s’il s’est radicalisé depuis, j’ai l’impression que cette semaine, avec cette nouvelle victoire, nos trumpistes du terroir se sont révélés et ont décidé d’y aller all-in. Tant pis pour les réticences de 2016. La fenêtre d’Overton est devenu une porte-patio.

Tout le monde a son explication sur cette victoire, mais voici trois de mes réactions préférées.

D’abord, Jonathan Hamel, ce cryptobro (et entrepreneur qui a à cœur sa clientèle) qui a la réputation d’être outrecuidant sur les réseaux sociaux, notamment à l’endroit des femmes, a discuté avec Jérôme Blanchet-Gravel de ce que signifiait pour les influenceurs comme lui.

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Donc, ceux qui sèment la division et qui désinforment, ce sont les médias traditionnels. La technique du miroir marche aussi avec les médias, donc.

« La rhétorique du miroir permet de renvoyer à l’adversaire les accusations de fascisme ou de violence pour lui couper l’herbe sous le pied et surtout noyer le sens de ces expressions. L’idée, en traitant n’importe qui – notamment les antifascistes – de fascistes, est de discréditer non seulement les adversaires politiques mais la notion même de fascisme comme système de pensée et d’organisation du politique totalitaire »

- Vous désinformez!
- Celui qui l’dit celui qui l’est!

Une autre qui m’a impressionné, c’est Joanne Marcotte, cette prétendue passionnée d’économie qui ne semble pas comprendre le concept de densité.

J’ose pas imaginer comment elle a analysé les données sur le climat dans son livre.

Enfin, Éric Duhaime nous a fait une belle démonstration de l’étendue de sa mauvaise foi avec son tweet sur le texte de Paul Journet.

Évidemment, aucun lien vers l’article en question pour que les gens le lisent et réalisent qu’il n’y avait absolument rien de condescendant là-dedans.

Et quand Paul Journet lui répond, il trouve cette parade.

Comment disait Roy Cohn, celui qui a mis au monde le Trump que l’on connaît et qu’on peut voir dans le film The Apprentice? « Always attack, deny everything, and always claim victory ».

Rage-baiting

Mais la publication qui m’a le plus fâché de la semaine revient à Richard Martineau.

C’est comme s’il avait installé un réceptacle pour la haine sur sa page Facebook. Regardez cette femme de couleur qui porte une tuque. C’est rien d’autre que ça. Juste un piège à con qui vont aller basher Vanessa, qui d’ailleurs, a déjà travaillé avec lui. Le rage baiting est sans limite. Comment on traduirait ça, « rage-baiting » d'aillers? Appât-rageur? Appâtage à rage? Rageur-à-pâte?

C’est comme de la rage dans une cage à homard, mais au lieu d’appâter avec des têtes de maquereaux, on appâte avec de la rage.

Musique

J’aime bien le nouvel album polyglotte de We are wolves.

La pièce Attention, avec son début kraftwerkien, qui parle du monde en ruine, est de circonstance:

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