Délibération calme dans la chambre d’écho

Au menu: Comment les progressistes pourraient s’inspirer des conservateurs, la chambre d’écho Bluesky, la piétonnisation au service des citoyens et les parodies méchantes de La journée est encore jeune.

Délibération calme dans la chambre d’écho

J’espère que vous avez passé une belle semaine au Wokistan, cet endroit où tout le monde dit que tout le monde est woke, mais où tout le monde dit qu’il n’est pas woke. Wokébecitte!

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Si ça vous intéresse, j’ai signé l’une des préfaces (avec Patrick Lagacé et Mylène Paquette) d’un recueil organisé par Joseph Dahine pour rendre hommage au personnel du système de santé qui en a bavé une shot pendant la pandémie. On peut y voir plusieurs œuvres de ces gens qui sont aussi des artistes dans l’âme et qui « pour panser leurs blessures et apaiser les traumatismes vécus, ont choisi de s'exprimer par l’art ». C’est très beau et c’est pour une bonne cause. C’est disponible en version numérique ou papier.

Se soigner : Un livre d’art collectif au profit de la Fondation Cité de la Santé - Fondation Cité de la Santé | Fondation Cité de la Santé
Depuis plus de 40 ans, la Fondation Cité de la Santé mobilise la communauté pour soutenir l’ensemble des besoins en santé et services sociaux à Laval.

Toucher les gens

J’écoutais en fin de semaine le balado de Jon Stewart pour la première fois et il recevait une certaine Sarah Smarsh, une journaliste qui s’intéresse à la classe ouvrière américaine, pour tenter d’expliquer pourquoi les démocrates semblent avoir perdu contact avec leur base.

Elle y dit entre autres que les progressistes ne réalisent pas que d’essayer de convaincre les citoyens que l’économie va mieux, que le PIB augmente, que l’inflation descend, ne les touche pas. Elle pense que les conservateurs ont du succès parce qu’ils valident la douleur des électeurs.

Cette semaine je me suis fendu d’une chronique pas trop trop funnée (parce que j’étais en mautadine) sur ceux qui prétendent que l’élite méprise le peuple tout en servant au peuple en question une vision si simpliste du monde qu’on voit bien que ce sont eux, qui le méprise, ce peuple. Désolé, ce n’est disponible que pour les abonnés premium plus AAA.

Le monde est cave
Les élites qui prennent le peuple pour des idiots ne sont pas celles que l’on pense.

Les « conservateurs » valident les inquiétudes des électeurs en réduisant tout au plus simple et ça me surprendrait qu’ils changent subitement de stratégie et fassent plus confiance à l’intelligence de leur auditoire comme je l'espère dans ce texte. Ils n’essaient pas de leur dire que ces inquiétudes ne sont pas fondées, ils les harnachent et en font leur cheval de bataille.

En même temps, dans certains cas, c’est un peu l’œuf ou la poule. Est-ce que les gens sont inquietés par ce qu’ils vivent dans leur quotidien ou sont inquiets parce qu’ils entendent des politiciens conservateurs leur dresser un portrait sombre du monde? Des fois c’est l’un, des fois c’est l’autre.

Il faudrait donc que les progressistes aussi embrassent les préoccupations des gens, acceptent leur « ressenti », et mettent de l’avant les solutions concrètes et à court terme pour les satisfaire, quitte à escamoter leurs ambitions vertueuses. Beau défi.

La chambre d’écho

Comme plusieurs, j’ai commencé à fréquenter davantage Bluesky dans les derniers jours. Avant, X me servait de fil de presse et je m’y référais constamment, mais j’avais abandonné l’idée d’y relayer autre chose que des liens vers mes chroniques ou mes publications sur Tourniquet. Des liens qui ne généraient presque pas d’engagement, soit parce que l’algorithme me trouvait trop peu virulent, soit parce que mes contenus n’intéressent personne. Je n’y récoltais que la tempête, même si j’y semais à peine une brise.

Ce n’est pas un algorithme qui régit l’affichage sur Bluesky et je réalise que mes contenus intéressent les gens, tout d’un coup. Je réalise aussi que j’ai recommencé à discuter avec des inconnus qui sont respectueux, et que c’est plutôt agréable. Comme plusieurs personnes ont migré aussi sur Bluesky, la plateforme peut aussi servir de fil de presse. Il y a maintenant une masse critique de Québécois, et c’est bon signe.

Pendant ce temps, sur X, les gens toujours en tabarnache sont en tabarnache. Ils se moquent des peureux qui fuient le débat. Comme si se faire traiter de merdia subventionné était une façon de débattre. C’est comme si tout d’un coup, ils venaient de découvrir le concept de chambre d’écho et l’évoquent à tout bout de champ. Ironiquement, tout le monde fait écho à leur théorie voulant que Bluesky est une chambre d’écho.

Dans La Presse, Jocelyn Maclure explique le phénomène ainsi:

« Les leaders idéologiques des chambres d’écho déploient beaucoup d’efforts pour que les visions concurrentes arrivent préinterprétées et déjà discréditées, alors que les points de vue dominants sont constamment répétés et amplifiés. Or, une véritable délibération démocratique sur, par exemple, l’immigration ou la laïcité exige que l’on prenne au sérieux les meilleures raisons qui soutiennent les positions opposées aux nôtres. Les animateurs des chambres d’écho préfèrent plutôt monter des cas en épingle et caricaturer les points de vue concurrents.  »

La caricature des points de vue se fait de tous les bords, mais le problème, ce n’est pas les points de vue qui sont différents. C’est lorsque la désinformation soutient ces points de vue. À ce moment, on ne peut plus rien espérer. L'offre de réseaux sociaux est assez variée maintenant pour qu’on les magasine. Pourquoi rester sur une plateforme qui laisse aller la désinformation, le racisme, le sexisme, et les pubs de cryptomonnaies à tous les deux tweets? C’est juste des gens QUI CRIENT!

D’ailleurs, merci à Patrick Tanguay pour la référence à ce texte sur la délibération calme prônée par les autochtones

« La Grande Loi des Haudenosaunee impose des normes élevées aux royaners : “L’épaisseur de leur peau devra être de sept couches – ce qui signifie qu’ils devront être à l’épreuve de la colère, des actions offensantes et des critiques. Leur cœur devra être rempli de paix et de bonne volonté.” En conseil, “tous leurs mots et actions devront être marqués par une délibération calme.” Selon cette loi, le royaner idéal doit toujours “observer et écouter pour le bien-être de tout le peuple et avoir en vue non seulement le présent, mais aussi les générations à venir, y compris celles dont les visages reposent encore sous la surface de la terre – les enfants à naître de la future Nation.” »

Ils y voyaient un rempart à la tyrannie. Cavelier de La Salle avait noté à leur sujet que lors de rencontres importantes, ils ne levaient jamais le ton et ne se fâchaient pas. Je me sens vraiment ignorant chaque fois qu’il est question des Premières Nations. On a encore beaucoup de choses à apprendre d’eux et de leur histoire.

Bref, Bluesky n’est pas une chambre d’écho. Les mêmes idées que sur X y circulent, personne n’est fermé sur le reste du monde. Les médias y sont, ils rapportent ce qui se passe de façon objective. La chambre d’écho, c’est quand une seule vision du monde est mise de l’avant et que tout le monde est d’accord avec.

C’est aussi une question de principe. Comme le note Brian Merchant, Bluesky exprime un rejet des big tech qui est rafraichissant: « Bluesky ne puise pas seulement dans cette source de bonne volonté parce qu’il promet un retour aux jours glorieux de Twitter, mais parce qu’il évoque une époque où les monopoles technologiques figés et avides de rente n’avaient pas encore rendu notre expérience en ligne infernale. »

Cela dit, je ne me fais pas d’illusion. Les trolls y sont déjà, l’avenir de la plateforme est imprécis et l’effet de nouveauté s’estompera peut-être. Mais en attendant, ça fait du bien.

Plogues

On peut rire de tout, sauf…

La chronique de Sophie Durocher qui n’a pas aimé que Stéphane Rousseau fasse une blague sur Mathieu Bock-Côté m’a un peu fait rire. Parce que Sophie Durocher qui est adepte du « on ne peut plus rien dire » était en train de nous dire que Stéphane Rousseau ne devrait pas dire ce qu’il a dit. D’ailleurs, Guy Nantel est allé lui parler de ses contradictions sur les ondes de QUB.

Ce qui m’a fait rire aussi, c’est qu’elle pense qu’à La journée est encore jeune, on fait des parodies.

Des parodies méchantes de surcroit. C’est drôle, parce qu’à La journée, c’est tout sauf des parodies. Je cite littéralement les gens. Si Mme Durocher a entendu une parodie d’elle à notre émission, c’est en fait sa propre voix qu’elle a entendue…

Contre l’avortement?

J’ai presque envie d’interpréter ce tweet (parce que oui, je vais encore sur X) de Jérôme Blanchet-Gravel comme un appui au mouvement antiavortement, mais je vais lui laisser le bénéfice du doute.

Piétonnisation

Situation intrigante sur la rue St-Hubert. Selon Maxime Bergeron, les commerçants ont dit non à un retour de la piétonnisation de la rue « dans une proportion de 61 %, dans le cadre d’un vote supervisé par la firme Raymond Chabot Grant Thornton ». Semble-t-il que les propriétaires de commerces qui ont une portée plus régionale ont souffert de l’ouverture de la rue aux piétons tandis que les commerçants locaux ont apprécié l’expérience.

Le même texte nous dit que le nombre de visiteurs a bondi de 85%, mais les ventes ont diminué de 7,3%. Par contre, selon un sondage mené auprès de 1700 résidants du secteur, 83% des citoyens sont pour la piétonnisation. Les gens qui vivent dans le quartier trouvent que ça améliore leur qualité de vie. J’aurais tendance à penser qu’il faut privilégier les habitants du quartier, mais j’avoue ne pas connaître la situation de St-Hubert en détail.

Je me demande si les choix de localisation de commerce qui visent une clientèle moins locale n’est plus en phase avec les changements dans les habitudes de consommation. C’est plate à dire, mais peut-être qu’une boutique de robes de mariées aurait davantage sa place au Royalmount?

Substack

Deux petites choses sur Substack, la plateforme que j’utilisais jusqu’à récemment pour cette infolettre, avant de passer à Ghost. D’abord, on apprenait cette semaine que quelques-unes des infolettres les plus populaires utilisaient l’IA pour générer des contenus:

« La startup de détection d'IA GPTZero a analysé 25 à 30 publications récentes des 100 bulletins les plus populaires sur Substack pour déterminer si elles contenaient du contenu généré par intelligence artificielle. Elle a estimé que 10 de ces publications utilisaient probablement l'IA d'une manière ou d'une autre, tandis que sept s'appuyaient « significativement » sur celle-ci pour leurs écrits. (GPTZero a payé des abonnements à des bulletins Substack fortement protégés par des paywalls.) Quatre des bulletins identifiés par GPTZero comme utilisant largement l'IA ont confirmé à WIRED que des outils d'intelligence artificielle faisaient partie de leur processus d'écriture, tandis que les trois autres n'ont pas répondu aux demandes de commentaires. De nombreux bulletins signalés par GPTZero comme publiant des écrits générés par IA se concentrent sur les nouvelles liées à l’investissement et les conseils en finance personnelle. »

Bien sûr, les nouvelles financières sont plus propices à ce genre de manœuvre. C’est plus facile de générer des textes sur la bourse que de générer des textes sur les wokébéquois, les pirates sur X et les béciques à pédale. Je ne suis donc pas tellement surpris de cette histoire. Reste que je pense que ce n'est que le début.

De son côté, John Gruber a déploré l’uniformisation des infolettres de Substack:

« Substack, dès le départ, a très délibérément tenté de jouer sur les deux tableaux. La plateforme affirme que les publications qui y sont hébergées sont des voix et des marques indépendantes. Pourtant, elle les présente toutes comme faisant partie intégrante de Substack. Elles ont toutes la même apparence, et elles ressemblent toutes à « Substack ». Je ne comprends vraiment pas pourquoi un auteur cherchant à s'établir de manière indépendante externaliserait ainsi sa propre marque. C’est une illusion d’indépendance. »

C’est entre autres pourquoi je ne regrette pas d’avoir quitté Substack. Dans un monde où les personnalités publiques (les influenceurs, si vous préférez) veulent se « brander » comme des médias autonomes, c’est normal de vouloir garder le contrôle sur la forme. Pour ceux que ça intéresse (j’ai l’impression que c’est pas grand monde, mais bon), vous pouvez regarder cette entrevue avec le fondateur de Ghost qui explique la démarche de cette entreprise sans but lucratif qui mise sur le logiciel à code source ouvert.

Musique

J’ai jamais vraiment un fan des Pixies, je suis passé tout droit, je ne sais pas trop pourquoi, mais ils viennent de sortir un album et j’aime bien!

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