La culture n’est pas un Seadoo

Vous êtes maintenant 14 000 abonnés à cette infolettre. Bienvenue aux petits nouveaux! C’est la 160e édition et c’est toujours le fun de se savoir aussi lu. C’est pour ça qu’on écrit (ainsi que pour le CASH!1!!). Je suis particulièrement fier du taux de lecture de Tourniquet Express et de l’écoute de Olivier Niquet en jaquette. C’est beaucoup de travail, mais au moins, ça sert à quelque chose.
En passant, les abonnés extra-plus-top-élite pourront découvrir à la fin de cette édition ce qu'aime boire Bernard Drainville.
Culture et escrime
Lettre coup de poing de Kev Lambert dans La Presse de lundi à propos des (dés)investissements en culture. J’en ai parlé un peu dans mon balado (ou j’ai d’ailleurs légèrement mégenré Kev, et je m’en excuse). Comme elle, je trouve ça complètement fou qu’un gouvernement qui a à ce point à cœur la langue française et la préservation de nos « valeurs » coupe dans la culture. On parle de grenailles dans le budget du gouvernement, mais des grenailles qui rapportent beaucoup. Je vois la même contradiction dans cette idée de vouloir mieux intégrer les nouveaux arrivants tout en coupant dans les cours de francisation. C’tu moi ou…?
Kev pense que de sabrer dans la culture est un choix idéologique:
« Le sous-financement est un choix idéologique. Ce que défendent les artistes heurte de plein fouet le projet de société caquiste. Le désintérêt du gouvernement envers la culture québécoise dans toute sa richesse, sa force et sa diversité s’explique aisément : l’art aiguise l’esprit, suscite l’espoir et la colère, ouvre une réflexion critique sur la société, sur les mythes qui fondent les collectivités. L’art observe le monde. Il intervient dans ce monde. Et ça fait trembler le pouvoir. Le mouvement de définancement actuel marquera l’histoire. S’il ne fait rien, on se souviendra du gouvernement de François Legault comme de celui ayant signé la mise à mort de la culture au Québec. »
J’ai un doute que ce soit à ce point intentionnel. Je ne vois pas ce genre de machiavélisme chez François Legault. Mais c’est assurément un mauvais calcul de comment on construit une société, ou au pire, de comment on n’en détruit pas une. Au sujet de la négligence culturelle, il y a aussi cette lettre.
C’est certainement encore plus le cas avec ce que nous impose le nouveau monde dans lequel on vit. Celui des algorithmes qui excluent nos contenus au profit de la culture américaine. Celui aussi qui veut démanteler l’État et réduire ses interventions (ou vice versa). Cette semaine, j’ai entendu à Radio X l’animateur Dominic Maurais et son coanimateur Dominique Dumas nous parler des subventions à l’industrie culturelle:
« - Industrie = tu fais des produits, l'offre et la demande. La compagnie qui fait des Seadoos, il en vend-tu des Seadoos? Oui, la journée où il n'en vend plus, il ferme. Donc, si tu fais un disque avec de la ruine-babine, du sifflet, du gazou ou de la flûte traversière, si ça se vend pas, j'ai pas d'affaires à te subventionner pour te faire vivre. Si tu remplis pas tes salles, j'ai pas de contrôle là-dessus. (…)
- Il y a deux problèmes dans leur mentalité, c'est que, sans subvention, il n'existe plus de culture. La culture disparaît au Québec, il n'y a absolument plus rien qui va se faire. Pis, l'autre chose, c'est que s'il n'y a pas ce milieu culturel-là, ben, il n'y a plus de Québec. Le Québec, finalement, ça n'existe plus. C'est la manière dont ils perçoivent les choses, carrément. En plus de se faire croire que la culture, ça fait rouler l'économie, alors que c'est subventionné, ça fait rouler de l'économie, oui, mais c'est nous-mêmes... Ça paye du monde. Ça donne des salaires. Ça donne des salaires. Mais cet argent-là, tu pourrais donner des salaires à d'autres mondes pour n'importe quoi, pis ça ferait rouler l'économie de la même manière.
- Y'a quelqu’un qui m’a écrit, y'a un bon point... Moi, mettons, je pratique en escrime, mais je vis pas de l'escrime. Fait que je travaille chez Maxi, mais je fais de l'escrime. Mais moi, pourquoi, comme société, on paierait quelqu'un qui fait de l'escrime comme un hobby? »
Escrimeur, vendeur de Seadoos, artiste, même combat.
Faut dire que Doom a du respect pour les artistes d'ici.

Ce n’est pas un discours nouveau sur cette antenne, mais on sent qu’en ce moment, c’est le discours dominant. C’est le discours qui crée de « l’engagement » sur les plateformes. Surtout, lorsqu’ils disaient la même chose il y a quinze ans, avant l’omniprésence des réseaux sociaux, ils n’avaient pas la machine de leur bord. Avec les plateformes de diffusion en continu et les Instagram et TikTok qui vous shootent du Taylor Swift plutôt que du Marie-Pierre Arthur, tout concourt pour que leur vision se concrétise. Ce sont des visionnaires, dans l’fond.
En passant, cette semaine a été lancée Musiqc, une nouvelle plateforme pour faire découvrir la musique de chez nous. Je ne suis pas certain que d’ajouter une couche aux plateformes comme Spotify et Apple Music soit la façon la plus efficace d’améliorer la fameuse « découvrabilité », mais le site est franchement bien fait et vous pouvez ajouter leurs listes de lecture à votre bibliothèque, peu importe où vous écoutez votre musique.
Je vous invite à aller y faire un tour.

Plogues
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La déradicalisation d’un trumpiste
J’ai toujours rêvé d’être dans la tête d’un animateur de radio populiste ou d’un influenceur mal-pensant. À quoi il pense le soir rendu à la maison, lorsqu’il fait le bilan de sa journée? Un jour j’en ferai un roman.
J’ai toujours pensé que ces personnes se divisaient en deux catégories: ceux qui se croyaient et ceux qui ne se croyaient pas. Ceux qui font de la marde pour faire de la marde et ceux qui font de la marde parce qu’ils pensent vraiment que c’est la meilleure chose à faire. J’ai l’impression que les seconds sont plus rares que les premiers. Il ne doit pas y en avoir tant que ça qui se disent que de l’insulte et du rejet de l’autre émergera un monde meilleur.
Parfois, il y en a qui allument et se rendent compte de leur méprise. Un peu comme Doug Ford cette semaine. C’est ce qui semble être arrivé avec l’influenceur Clarkson Lawson, interviewé par Taylor Lorenz ici:
« Clarkson Lawson était un influenceur MAGA de premier plan sur TikTok, ayant accumulé plus de 31 millions de mentions « J'aime » sur ses vidéos. Il s’était fait une place en tant que conservateur de la génération Z, publiant du contenu en faveur de Trump. Mais dans les mois précédant l'élection, quelque chose a changé. Bien qu'il ait construit une immense audience grâce à son soutien à Trump, il a changé d’idée et a voté pour Kamala Harris. Lawson a annoncé son changement de position politique dans une vidéo intitulée « Pourquoi j’ai quitté MAGA ».
Le gars explique un peu comment justement, ça s’est passé dans sa tête pour qu’il se rende compte que le mouvement qu’il soutenait n’avait pas de maudit bon sens. Il explique qu’il a commencé à regarder des contenus différents, de gens qui n’étaient pas d’accord avec lui et qu’il a vu une sorte de switch d’algorithme. On ne lui proposait plus uniquement des dudes avec des calottes MAGA, mais des contenus qui démontaient les idées de ceux-ci. Il dit entre autres que Rachel Maddows, l’animatrice vedette de la chaîne progressiste MSNBC a participé à sa déradicalisation.
Je dois dire que ça m’a fait du bien d’entendre ça. Si jamais j’aide ne serait-ce qu’une personne à se poser des questions sur la désinformation qu’elle consomme, j’aurai servi à quelque chose (mais je ne me fais pas d’illusions). Je ne sais pas si ça fonctionne dans l’autre sens aussi. En tout cas, moi j’écoute Jeff Fillion et Richard Martineau et je n’ai pas encore eu l’illumination qui me ferait rejoindre leur gang.
Il dit aussi que des milliardaires sains d’esprit comme Mark Cuban l’ont aidé à voir les choses d’un angle différent de celui des milliardaires pas trop sains d’esprit. J’espère que François Lambert et Luc Poirier prennent des notes.
Amazon quitte le Québec
La fermeture des entrepôts d'Amazon, ça vient avec plusieurs petits drames:
« Ils nous ont mis dehors, sans aucun respect, malgré toutes les années qu’on leur a données. On aurait pu mieux planifier notre avenir. Là, c’est l’incertitude totale », raconte Sam, un ex-employé dont la colère est loin de s’assouvir.« Dos, tendinite, épaules… Les paquets sont lourds et la répétition nous blesse », poursuit Barrell, qui, pour sa part, tentera de tourner la page. Après trois ans et quatre mois passés chez Amazon, il se raccrochera à un nouvel emploi à la suite d’une formation. »

Peur d’avoir peur
Cette semaine, Jérôme Landry a dénoncé à maintes reprises ceux qui appelaient à un boycottage des produits américains, alors j’ai beaucoup de misère à suivre sa logique lorsqu’il nous dit qu’il faut nous tenir debout.

Tenons-nous debout en nous mettant à genoux devant Trump, X et Amazon. Ben coudonc!
Musique
Velours Velours. Sympathoche.
⚑ PREMIUM: Le vin préféré de Bernard Drainville
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