La décélération technologique n’aura pas lieu et nous sommes dans le trouble
Au menu: l’IA va nous anéantir, le côté sombre du vélo et l’enflure médiatique dénoncée.
Encore une fois, merci à tous ceux qui ont contribué à ce site dans les dernières semaines. Vous pouvez d’ailleurs accéder à un nouveau texte exclusif que j’ai rédigé pour inaugurer une section où je me fâche faussement et exagérément pour des niaiseries. Je faisais ça à la radio, mais La journée ne s’y prête plus tellement. Voici donc mon brulot sur les portes automatisées qui s’ouvrent trop lentement: « La flemme d’ouvrir une porte mènera à la fin de la civilisation »
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Êtes-vous prêts pour l’IA?
Ça commence un peu déprimant, mais vous pouvez défiler vers le bas si vous ne voulez pas voir la réalité en face…
Je l’ai écrit quelques fois ici, mais j’ai l’impression que l’humanité est à un tournant et qu’on ne s’en rend pas tellement compte. C’est difficile de bien saisir ce qui se passe, surtout quand ce qui se passe, c’est que les nouvelles technologies facilitent le fait de ne pas saisir ce qui se passe. Me suivez-vous?
Avec des amis en fin de semaine, nous avons beaucoup parlé de l’IA (nous avons aussi beaucoup parlé de hockey, ne vous inquiétez pas). J’ai des amis qui connaissent beaucoup le sujet et qui comprennent les tenants et aboutissants de l’IA bien mieux que moi. Ce qui m’a un peu surpris, c’est que tout le monde semble utiliser un peu l’IA dans leur travail. Pour créer des bouts de codes, pour générer des idées de ritournelles musicales, pour peaufiner des modèles d’affaires.
Personnellement, j’utilise l’IA pour générer des images qui accompagnent mon infolettre. Je m’en sers aussi parfois pour générer des scripts qui vont alléger mon travail. Genre créer une série de fichiers Google Docs d’avance pour toutes mes chroniques de la saison radio, avec le numéro de l’épisode et la date. Je vous rassure, ce sont des fichiers vides, l’IA ne peut pas deviner d’avance ce que va dire Justin Trudeau ou Pierre Poilievre. Elle ne maîtrise pas encore le « gros bon sens ». Quoi que…
Je m’en sers aussi à l’occasion pour brainstormer avec moi-même. Je demande à Gemini ou Chat GPT des idées de dictons en lien avec l’alimentation, mettons, pour trouver une blague sur un concombre (au sens figuré, ou pas). Je pourrais trouver l’équivalent sur Google, mais je peux avoir une discussion avec l’IA pour préciser ce que je cherche. Mais je ne le fais pas souvent. Je n’ai pas trop le temps de brainstormer pour trouver des blagues (c'est pour ça que je n'en fais pas tant), en général.
Tout ça pour dire que l’IA est déjà pas mal « grand public » et le deviendra encore plus à mesure qu’elle se perfectionnera. Et elle se perfectionne vite en maudit. Certains pensent que l’IA atteindra la capacité de compréhension de l’être humain d’ici quelques années. C’est le concept d’AGI:
« L'Intelligence Artificielle Générale (AGI), aussi appelée Intelligence Artificielle Forte, est un concept théorique en intelligence artificielle qui fait référence à une machine hypothétique possédant la capacité de comprendre ou d'apprendre n'importe quelle tâche intellectuelle qu'un être humain peut accomplir. En d'autres termes, une AGI serait capable de raisonner, planifier, résoudre des problèmes, penser de manière abstraite, comprendre des idées complexes, apprendre rapidement et tirer des leçons de l'expérience. »
C’est Gemini qui m’a donné cette définition en passant. Donc, d’ici quelques années, vous pourriez avoir un assistant qui a la même capacité de raisonnement qu’un humain, mais qui aurait aussi l’équivalent d’un doctorat dans toutes les matières et l’accès à tout le savoir de l’humanité. C’est une coche au-dessus de mon aspirateur robot, ça.
Les implications pour le monde du travail sont folles. Pourquoi engager une comptable, un avocat, un traducteur, une programmeuse si l’IA peut tout faire ça? Ou un animateur de radio, comme à Gatineau? « Trois travailleurs canadiens sur cinq sont fortement exposés aux effets de l’intelligence artificielle, et la moitié d’entre eux courent le risque d’être simplement remplacés par la machine », nous disait Le Devoir cette semaine. Et pourquoi aller à l’université pour apprendre un métier? L’IA qui aura atteint un niveau aussi élevé d’intelligence pourra faire de la recherche elle-même et on prédit des avancées incroyables dans toutes sortes de domaines.
Je ne pense pas que le monde soit prêt pour ça. Les gouvernements sont tellement lents. Le gouvernement du Québec vient à peine de réaliser que le financement de notre culture doit s’adapter aux nouveaux modèles de diffusion (qui sont probablement déjà désuets). Va peut-être falloir élire ChatGPT pour remettre de l’ordre dans tout ça. Il y a plusieurs films, livres ou séries de science-fiction qui imaginent un monde gouverné par l’IA, et c’est certain qu’on risque d’arriver à quelque chose comme ça. Plus The Creator que Terminator, mettons, espérons.
C’est pour ça que certains pensent que la polarisation se jouera dorénavant autour de l’accélération ou la décélération:
« Dans les années à venir, l'accélération contre la décélération deviendra une ligne de fracture dans nos sociétés. De toutes sortes de manières, les tensions sociales et politiques commenceront à s'agglutiner autour de cette division. Les principaux partis politiques devront réagir. Nous pourrions même voir la naissance de nouveaux partis populaires - quelque chose comme le Parti de l'accélération - en conséquence de tout cela. Après tout, les principaux partis conservateurs et progressistes actuels sont nés à la suite de la première révolution industrielle et des perturbations technologiques auxquelles elle a donné lieu. Ma théorie de travail est qu'avec le temps, cela deviendra la fracture déterminante dans nos sociétés. De toutes sortes de manières, les gens organiseront leur vie et feront des choix en fonction de la relation qu'ils veulent construire avec les technologies exponentielles qui émergent autour d'eux. »
Les bonzes de la Silicon Valley sont all-in dans l’accélération. La Chine aussi aurait des plans ambitieux en la matière. Qui des deux finira par dominer le monde avec ses technologies, se demandaient mes amis qui connaissent ça? Aucune de ces perspectives n’est rassurante, en tout cas. On connaît le régime autoritaire de la Chine, mais les nouveaux gourous de l’IA inquiètent aussi.
« Le culte du progrès et la singularité technocapitaliste sont la "religion des ingénieurs" de Hayek avec les valeurs inversées - de sorte que les marchés et l'IA, plutôt que l'État, deviennent les objets de culte. Au cours des dernières années, la pensée de la Silicon Valley s'est enivrée de son propre modèle économique, dans une boucle de rétroaction où des prémisses folles alimentent des affirmations encore plus folles et ainsi de suite. Il est temps de dégriser. »
Ces gens sont enfermés dans un système de pensée où ils se croient tout permis:
« Le problème n'est pas que les arguments en faveur de la liberté et de l'innovation technologique soient stupides ou malveillants. Ils ne le sont pas. Le problème est que la théorie politique ne peut pas faire son travail correctement lorsqu'elle devient un instrument d'auto-justification et d'apaisement. Il est très facile pour des personnes très intelligentes de trouver des arguments et des justifications pour expliquer pourquoi elles ont raison et devraient être autorisées à faire exactement ce qu'elles veulent. Cela devient encore plus facile lorsqu'elles sont entourées d'autres personnes qui sont d'accord avec elles et qui parfois même les vénèrent. Le cryptographe Bruce Schneier est célèbre pour la loi de Schneier : le dicton selon lequel n'importe qui peut inventer un système de sécurité si intelligent qu'il ou elle ne peut pas le déverrouiller. Les psychologues cognitifs Hugo Mercier et Dan Sperber ont montré qu'il en va de même pour les arguments. N'importe qui peut faire un argument politique si convaincant qu'il ou elle ne peut pas en voir les défauts. »
Ces outils se trouvent donc entre les mains d'individus qui, on le voit, sont prêts à n’importe quel mensonge pour le pouvoir ou l’argent. D’ailleurs, dans une série en balado (je n’ai écouté que le premier épisode) produite par Bloomberg, la journaliste rapporte que l’un des mentors de Sam Altman a déjà dit de lui que « Sam est extrêmement bon pour devenir puissant ». C’est l’une des principales qualités du gars derrière OpenAI et ChatGPT. OpenAI devait au départ être, justement, « open », à code source ouvert, mais la compagnie a changé de direction et le gars qui est « bon à gagner en pouvoir » contrôle cette bébelle qui en confère beaucoup.
Peut-être que l’IA continuera de se perfectionner en se basant sur les informations douteuses qu’elle a elle-même générées comme ça semble déjà être le cas. À l’instar de quelques personnes prises dans une bulle complotiste depuis la COVID, elle perdra de sa crédibilité.
Cela dit, je suis moi-même un « utilisateur précoce » de toutes les nouvelles technologies. J’embrasse le progrès technologique full pin, et je ne pense pas qu’il faille nécessairement décélérer. Peut-être juste être prudent et imposer des balises. Je sais, ça n’arrivera pas.
J’espère que je ne vous ai pas trop inquiété. Si c’est le cas, je vous conseille de faire comme moi (et mes amis) et de vous concentrer sur la nouvelle saison de Canadien qui s’en vient. Du pain et des jeux, comme disait l’autre.
Le air fryer de Laine
Justement, un peu de Patrik Laine à vous mettre sous la dent:
Du sumo au Québec?
Je suis allé voir du sumo cet été au Japon et j’ai vraiment aimé ça. Ça l’air qu’il y en a ici:
« À ce sujet, du sumo, au Québec, il en existe, mais contrairement à notre sport national sur glace, c’est une discipline qui est peu pratiquée et qui est présentement orpheline de fédération sportive. Malgré tout, Gimenez représentera bientôt le Canada aux championnats mondiaux de sumo en Pologne. J’ai donc eu droit à un véritable master class avec, on pourrait dire, le meilleur sumo de la province. »
Encore la guerre à l’auto
Il y a quand même des fois où on aimerait que l’expertise de l’IA prenne le dessus. C’est le cas lorsqu’il est question de transport. Encore cette semaine, Jacinthe-Ève Arel répondait sur X à Dominic Maurais (il m’a bloqué de Twitter en 2014 à peu près) qui critiquait le texte d’Isabelle Hachey qui se sentait esclave du trafic.
En plus de n’être pas tout à fait clair, son message insinue qu’il faut absolument construire des autoroutes pour permettre aux gens de se déplacer, ce qui est assez mince comme vision. De plus, personne ne dit que construire des autoroutes fait augmenter la population, c’est juste qu’elle s’étale trop sur un territoire donné. Ça ne l’empêche pas d’aller vivre à Pohénégamook. Ça n'a rien à voir avec le peuplement des régions.
Mais la palme de la championne du transport revient à Nathalie Elgrably. Ça date de juin, je suis désolé, j’avais manqué ça. J’aurais envie de tout copier son texte ici. On dirait une parodie. Voici selon elle pourquoi le vélo est mauvais:
« Le vélo est discriminatoire. Il ignore les besoins des personnes âgées, et des familles avec de jeunes enfants, et des personnes à mobilité réduite ou souffrant de conditions médicales ou de surpoids. Le vélo est peu pratique. Il est difficilement praticable en hiver. Il limite la capacité à transporter les charges lourdes ou volumineuses, et à parcourir de longues distances. Et il impose des contraintes vestimentaires potentiellement incompatibles avec certaines activités professionnelles et certaines occasions. Et vu la criminalité galopante, le vélo est peu sécuritaire. Il rend le cycliste vulnérable, particulièrement lors des déplacements en soirée ou dans des quartiers chauds. Le vélo est chronophage. Il nous prive de moments que nous pourrions consacrer à d’autres activités plus utiles et plus satisfaisantes. Et que penser de la productivité de l’individu qui arrive à son travail épuisé et dégoulinant de sueur après avoir longuement pédalé? »
Elle présente ça comme s’il était question d’entièrement remplacer les voitures par les vélos et non pas de faire plus de place à ces derniers. Son argumentaire ne va pas tellement plus loin que ça. Comme lire Nathalie Elgrably est chronophage, je vous invite à ne pas le faire.
Plogues
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Non à l’enflure
QUB Radio est parti en cabale contre la ville de Montréal. Je dois dire que c’est vrai que c’est gossant, les constructions partout. J’ai récemment fait l’acquisition d’un kit pour convertir mon vélo en vélo électrique alors je l’utilise beaucoup plus et je suis toujours pris dans les détours sans fin. Mais je ne suis pas capable de juger si c’est à cause de la lenteur ou de l’incompétence de l’administration actuelle ou si c’est parce que les administrations précédentes n’avaient pas fait leur travail. L’un n’exclut pas l’autre, remarquez.
Nicolas Marcotte sur X a fait ce petit montage qui illustre la situation:
Peut-être donc que ce ça ne vaut pas la peine d’aller « chier dans les pistes cyclables. »
Ça vole haut à QUB.
Je vous disais il y a deux semaines que Benoît Dutrizac avait bien expliqué le modèle d’affaires de ce genre de radio: mettre le monde en sacrament dans leur char (les fameux esclaves du trafic, cités plus haut). Cette semaine, il m’a fait rire avec cette autre déclaration:
« L'enflure des syndicats, c'est toujours pareil. Tsé, de présenter les choses pires, tsé, quand on parle d'un problème, pis on va à l'extrême pour démontrer que non, non, on a raison, pis nos revendications sont justes, pis les gens, les gens qui n'ont pas le temps de s'attarder aux nouvelles, à l'évolution des nouvelles, ben t'entends ça, pis tu dis « Ah, mon Dieu, le gouvernement n'est pas fin avec les syndicats ». Tsé, il faut faire la part des choses, là. »
Oui, il parlait des syndicats, mais sapristi (excusez le langage) que ça décrit bien ce qu’il fait.
Musique
Une nouvelle pièce de The Smile:
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