La liberté de se déresponsabiliser

La liberté de se déresponsabiliser

Bienvenue sur Tourniquet, l’infolettre d’Olivier Niquet sur la bêtise médiatique et politicienne, l’urbanisme et Barbara Streisand (en tout cas, pour cette fois-ci).

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Une semaine quand même éprouvante pour notre petite équipe de radio alors que Paul Houde nous a quittés. Je lui ai rendu un petit hommage ici, pour les abonnés payants de cette infolettre. Ce sera disponible d’ici deux semaines sur le site d’URBANIA.

L’effet Streisand

J’ai un peu rigolé lorsque j’ai vu que le professeur québéco-kazakh Jean-François Caron avait parlé de l’effet Streisand dans un billet sur YouTube. L'effet Streisand, en l’honneur de la Barbra du même nom, se produit « lorsqu’en voulant empêcher la divulgation d’une information que certains aimeraient cacher, le résultat inverse survient, à savoir que le fait caché devient notoire. » J’ai rigolé parce qu’il y a deux semaines, M. Caron s’est plaint à l’ombudsman de Radio-Canada parce que dans une chronique au sujet de l’annulation de son témoignage devant le Comité des affaires étrangères, j’avais dit qu’il avait quitté l’Université de Moncton parce que suite à une évaluation par ses collègues, son dossier avait été jugé non-satisfaisant et qu’on lui avait refusé sa permanence. Or on ne lui avait pas refusé sa permanence, il avait décidé de partir avant parce que seuls des postes temporaires étaient ouverts.

J’avais bien pris soin de dire que les circonstances de son départ étaient nébuleuses, que ses élèves avaient fait une bonne évaluation de son travail et que plusieurs de ses collègues l’avaient défendu. Mon but n’était pas de le coincer là-dessus. C’était une erreur de bonne foi. N’empêche que M. Caron a écrit à l’ombudsman et demandé des sanctions à mon endroit, visiblement imperméable à l’ironie de demander qu’on me bannisse parce que j’avais parlé de son injuste bannissement. Je ne suis pas journaliste et l’ombudsman n’a pas d’emprise sur notre émission (l’émission #6 à Montréal!). Mais par souci d’exactitude, je suis revenu sur l’affaire en ondes. J’ai donc dû réexpliquer qu’il avait eu un dossier non-satisfaisant et qu’il trouvait que le Québec était aussi autoritaire que le Kazakhstan. Bref, pour une deuxième fois, il n’a pas bien paru, juste parce qu’il a insisté. Sacré effet Streisand.

En passant, dans sa vidéo, M. Caron lit un texte, ce que je trouve très audacieux parce que tous ses amis méprisent et se moquent des gens qui lisent des textes à la radio.

Liberté de presse

Pour rester à l’international, en Argentine, le héros de la droite libertarienne et nouveau président Javier Milei a décidé de fermer du jour au lendemain l’agence de presse Télam qui est la première agence de presse d’Amérique latine et la deuxième de langue espagnole dans le monde. Selon lui, les 700 employés de l’entreprise y faisaient de la propagande. C’est quand même tout un recul pour la liberté de presse.

Je me demande comment ceux qui se sont réjouis de la victoire de Milei dans nos médias font pour réconcilier leur amour de la liberté avec cet exercice. Éric Duhaime entre autres disait ceci à son congrès en novembre, le soir où Milei l’emportait:

Il y a une élection importante qui se déroule présentement en Argentine et malgré un vent de face, il y a un candidat qui pourrait se démarquer et qui pourrait même être élu ce soir Président. Je suis pas d’accord avec tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit, c’est pas ça mon but, c’est juste de vous dire que des politiciens qu’on pense marginaux, qu’on pense impossibles, qui sont pas très appréciés des médias traditionnels et qu’on dit qu’ils ont des idées trop radicales. Ben ça gagne des fois.

Se comparer avec un homme qui se promène avec une tronçonneuse et qui parle aux morts par l’entremise de ses chiens est au départ assez audacieux. Mais c’est vrai que des fois, des politiciens radicaux se font élire. Et après, ils ferment la lumière.

Plogues

Parler à l’extrême droite

En France, la tribune de Laurent Joffrin m’a fait réfléchir. Le journaliste y explique qu’il faut débattre avec l’extrême droite dans les médias pour parler à son auditoire.

« En fait, il existe toute une masse de citoyens mobiles, accessibles à l’argumentation. Ce sont souvent eux qui font l’élection. Ce sont eux, également, qui font l’audience des émissions de débat. Boycotter, c’est refuser de leur parler. C’est les traiter par le mépris. L’exercice est périlleux ? Certes. On peut tomber dans des traquenards, confronté à deux ou trois fachos vociférants auxquels le présentateur fait la courte échelle. Il n’y a dans ce cas qu’une solution : dénoncer le dispositif, partir, ou menacer de le faire. »

Je suis assez d’accord. Malheureusement, je suis un trop mauvais débatteur pour le faire. On peut quand même essayer de rejoindre ces publics par l’entremise des réseaux sociaux. Les gens qui écoutent ces personnages populistes ne sont pas des cons (en tout cas, la plupart ne sont pas des cons). Ça vaut la peine de parler à ces « citoyens mobiles ».

Débattre avec un juge

Débattre avec un juge peut être une pas pire aventure aussi. Je me permets une petite plogue pour une amie qui offre un service pour que les gens puissent se représenter eux-mêmes en cour. Dans certains cas, ça peut valoir la peine d’être coaché plutôt que de payer une fortune en avocats. C’est un peu le DuProprio de la justice. Et le taux de réussite est extraordinaire. Elle en a parlé chez Paul Arcand récemment.

Si j’étais marié, je divorcerais juste pour pouvoir essayer.

Parler aux adeptes de complots

Le politologue Christian Dufour sort un livre et il était sur plusieurs tribunes cette semaine pour dire entre autres qu’il n’a pas aimé le mépris des médias envers « le peuple », c’est-à-dire les gens qui défiaient les mesures sanitaires pendant la pandémie. Une pas pire extrapolation de ce qu’est le peuple, si vous voulez mon avis.

Les animateurs du FM93 l’ont challengé en lui disant que la liberté, ça ne voulait pas dire de pouvoir faire ce que l’on veut n’importe quand au mépris du bien-être collectif et que les opposants aux mesures sanitaires étaient eux-mêmes assez violents. M. Dufour n’en a pas démordu et a vanté Radio X qui ont été les seuls selon lui à défendre « le peuple ».

Je trouve ça bien ironique de penser que Radio X défend le peuple. Encore cette semaine, j’ai entendu certains de leurs animateurs mépriser les gens qui regardent TVA ou achètent des billets de la Poule aux œufs d’or. Ils se moquent d’ailleurs régulièrement des Ginette de Terrebonne et sous-estiment l’intelligence du public.

Jérôme Landry au FM93 a aussi rappelé à M. Dufour que Radio X avait reçu Alexis-Cossette Trudel et qu’on les avait dénoncés surtout pour la manipulation de la vérité, pas pour leur défense de la liberté.

D’ailleurs, encore aujourd’hui, les liens entre les personnalités louches qui gravitent dans la complosphère et les médias plus traditionnels m’étonnent. Joanne Marcotte, chroniqueuse à Radio X est allée au balado d’Éloise Boies expliquer que la planète verdissait.

Quand même drôle de citer la NASA qui pourtant est assez claire sur les changements climatiques.

Éloise Boies a aussi récemment reçu Naomi Wolfe, une femme qui dit que le vaccin contre la COVID tuait des bébés et que d’ailleurs, il n’y a plus de femmes enceintes.

Dans le même genre, Josey Arseneault, qui animait un balado avec le Doc Mailloux mais qui est aussi animatrice à Radio X tous les jours devait recevoir cette semaine le Policier du peuple, qui diffuse les théories les plus absurdes, incluant celle voulant que Karl Tremblay était décédé à cause des vaccins.

Big tech

Je pense que ces gens veulent créer la division et ils sont devenus champions pour harnacher les moyens que leur donnent les grandes entreprises technologiques. À ce sujet, un texte assez éclairant ici:

Toutes les promesses de démocratisation, de libération, de possibilités créatives sont manifestement contrées par un ensemble de technologies qui isolent, divisent et exploitent. Dans l’avenir technologique actuel, l’aspiration est de n’avoir aucun point de référence culturel commun avec qui que ce soit, et au contraire d’être en compétition pour l’expérience humaine la plus supérieure en accumulant plus de technologie et plus de médias. Il ne s’agit plus de développer des technologies qui aident les gens à naviguer dans les inégalités et les complexités de la société, du gouvernement et de la vie quotidienne, mais des technologies qui vous isolent et vous élèvent au-delà de tout ça ; de sorte que vous n’ayez plus à compter sur l’État ou les institutions, ou à collaborer avec eux. […] Imaginez si quelqu’un pouvait supprimer vos problèmes sociaux non pas en les résolvant en tant que tels et en rendant ça meilleur pour tout le monde (bureaucratie plus efficace, système de santé, éducation, accès à de bons réseaux de transport, un logement de qualité, etc.) mais plutôt en vous évitant d’avoir à prendre la moindre décision dans ces domaines ? Georgina Voss a observé que la technologie de la Silicon Valley a pour objectif de nous épargner d’avoir à prendre des responsabilités ; préparer un repas, se conduire à un endroit, faire sa lessive, payer son loyer. Par extension, le statut le plus envié et soutenu par la vision des géants de la tech est celui d’une responsabilité amoindrie et d’une dépendance réduite vis-à-vis de la société.

Quand je lis des choses comme ça, je dois dire que mon légendaire (genre) optimisme mange une claque.

Le meilleur de la restauration rapide

URBANIA a fait un top 27 des meilleures chaînes de restauration rapide. Je pourrais vous dire « vous ne devinerez jamais qui arrive premier » pour vous faire cliquer, mais je vais plutôt en profiter pour féliciter mon ami, le gars des annonces de A&W.

Musique

Des fois, j’écoute du rap. Ici, Schoolboy Q.

Citations

🔈 Maxime Bernier, qui trouve Poilievre woke

Poilievre et aussi le Bloc québécois, c’est des partis wokes. Vous avez juste à leur poser une question, « Combien de sexes existent actuellement ? Est-ce qu’il y a seulement deux sexes ? » Moi, je vous dis oui.

🔈 Mathieu Bock-Côté, suite à l’ajout du marqueur X sur les permis de conduire

La parenté de notre époque avec l’URSS, elle est féroce. Comme je l’ai dit dans un livre, il n’y a pas de goulag, il n’y a pas de KGB, heureusement, il n’y a rien de tout ça. Mais l’idée qu’on vive dans un monde qui a institutionnalisé une fiction idéologique qui se prend pour le réel.

🔈 Christian Dubé, à propos de sa cuvée de sirop d’érable

Ça va me mettre dans le trouble! Parce qu’on fait un conseil de famille à tous les ans pour décider du nom de la cuvée du sirop d’érable. En 2022: première dose. Ensuite, on a fait la deuxième dose. Ici, on est allé avec libarté. Ça te dit quelque chose, libarté?

🔈 Pierre Poilievre, inquiet d’une nouvelle taxe sur l’alcool

Il veut augmenter les taxes sur la bière, le vin et tous les autres alcools le 1er avril. Les gens ont besoin d’une boisson après tous les taxes.

🔈 Dany Houle, à propos de la rougeole

– 10 cas, là, c’est… faut-tu en faire un cas? C’est-tu…
– C’est parce que 10 cas, c’est déjà beaucoup. […]
– Si tu me dis que tes symptômes ressemblent à la grippe, ben, on l’aura, tsé, ceux qui ont à l’avoir l’auront. Écoute, moi, je te dis ça de même, là, mais je suis pas un microbiologiste, là. Juste que tu me fasses comprendre, je reviens, 10 cas. Eille, on a une conférence de presse aujourd’hui pour 10 cas.

🔈 Philippe Sabourin, à propos d’un trou sur la rue Notre-Dame

On n’est pas incompétents, on est inexpérimentés, on a été franchement maladroits, on a commis une grosse gourde. Vous connaissez l’expression « faire patate » là? On a fait patate devant le Lafleur pis c’est pas une petite patate!

🔈 Anne-France Goldwater, qui fait des liens

La chasse à l’arbalète, c’est un peu comme le Parti républicain aux États-Unis. Le but recherché par l’entité qu’il propose, la chasse à l’arbalète, est cruel, mais c’est la cruauté qui est le point.

🔈 Anne-France Goldwater, à propos de l’extermination des cerfs de Longueuil

On veut maintenant délibérément les assassiner, les exterminer, en quoi ça nous avance comme espèce? On va finir par avoir une population de 15 milliards d’êtres humains et zéro animaux.

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