Tentative d’assassinat contre Trump: les mal-pensants n’ont pas déçu

Il y a des gens de gauche, du centre et de droite, et il y a des mal-pensants qui veulent juste sacrer le bordel pour s’attirer des abonnés. Et encore une fois ici, par leur imperméabilité à la nuance et à la vérité, ils n’ont pas déçu.

Tentative d’assassinat contre Trump: les mal-pensants n’ont pas déçu

J’ai suivi avec beaucoup de désarroi la situation autour de la tentative d’assassinat de Donald Trump. Ma veille médiatique inclut beaucoup de personnalités de toutes les allégeances et c’est dans ce genre de situation que je vois à quel point les différentes visions du monde sont irréconciliables. De ce chaos se dégage un portrait très clair de notre monde: les mal-pensants sont en train de gagner.

Samedi et dimanche, les pourfendeurs de Trump ont dénoncé la tentative d’assassinat et la violence politique. C’était la chose à faire. Au même moment, les disciples de l’ancien président d’ici et d’ailleurs accusaient la gauche et les médias d’être responsables de cette attaque. Je caricature à peine. Oh bien sûr, on trouve probablement des milliers d’occurrences sur les réseaux de quidams déçus que le tireur ait manqué sa shot. Il faut les dénoncer. Le défi est toutefois de ne pas laisser croire que cela représente « la gauche ». Au même titre, les milliers de commentaires violents, racistes, homophobes sous les publications des influenceurs populistes ne veulent pas dire que « la droite » est violente, raciste et homophobe.

Sinon, Léa Stréliski a été accusée d’avoir peut-être pensé à quelque chose et on a plus ou moins dénaturé les propos de Loïc Tassé. Mais il n’y avait pas grand-chose sur quoi s’accrocher pour les dénonciateurs de la « gauche violente ». Le mieux qu’ils auront trouvé pour prouver leur théorie, c’est une prof sans jugement de la Colombie-Britannique. Il semble y avoir un mouvement conspirationniste BlueAnon chez la gauche américaine aussi, mais ils sont assez discrets pour qu'on ne réalise pas qu'ils existent. Ses idées ne percolent pas dans le grand public.

En fait, un des rares politiciens qui a pris la chose à la légère est Éric Duhaime.

Le chef du PCQ est un habitué de la minimisation de la violence politique. Il n’avait pas vu de problème à ce que quelqu’un dépose une tête de porc devant la mosquée de Québec et trouve que les politiciens qui se font menacer ont juste à ignorer lesdites menaces.

De ce côté du spectre, la récupération politique s’est mise en branle assez rapidement. Malgré les appels à la prudence de mise lors de ce genre de situation, de fausses informations concernant le tireur présumé ont circulé. Un vidéojournaliste de Rebel News a relayé les images du fan de soccer italien qui a été identifié comme le tireur en début de soirée. Selon Guillaume Roy, qui a fini par retirer son tweet, cet antifa était un exemple de la violence de la gauche. Ensuite, Jeff Fillion est embarqué dans cette danse funeste.

Le même Jeff Fillion qui rêve d’une dictature douce et qui proposait de tirer les manifestants du G7 entre les deux yeux, sur les ondes de Radio X. Selon lui, et c’est aussi le discours des porte-paroles MAGA, ce sont les médias biaisés qui ont tellement fait peur au monde en dépeignant Trump comme un dictateur en devenir qui a mené à cette violence politique. Tant pis si l’ancien président a lui-même déclaré qu’il agirait en dictateur, mais juste une journée (fiou). Dans le fond, ils nous disent que c’est parce que les médias décrivent le langage guerrier de Trump que les gens ont l’impression d’être en guerre. C’est le serpent qui se mange la queue.

Tant pis si n’importe qui qui suit la politique américaine en dehors des chambres d’écho trumpistes sait que la rhétorique de la violence politique est entretenue par le clan MAGA. Le meilleur exemple est la réaction de Trump suite à l’attentat contre le mari de Nancy Pelosi.

« Un seul des candidats à cette élection a déjà incité à la violence politique. Ce candidat est Donald Trump, en particulier et surtout le 6 janvier 2021. Un seul candidat a déjà raillé et plaisanté au sujet d’une tentative d’assassinat ratée contre l’un de ses adversaires politiques. Ce candidat est Donald Trump, qui (avec son fils) a maintes fois raillé le mari de Nancy Pelosi, Paul, après qu’un fou, demandant “Où est Nancy ?”, ait pénétré dans leur maison et frappé Paul Pelosi à la tête avec un marteau, fracturant son crâne à un point nécessitant une intervention chirurgicale. »

Ce ne sont que deux exemples, mais il y en a plusieurs autres. Le gars a demandé aux Proud Boys de se tenir prêts, en plein débat, tsé.

Alors qu’on nous prévient depuis des années des dangers des wokes, des immigrants illégaux ou des drag queens, c’est un jeune homme blanc avec un esti de gros gun qui est derrière l’attentat. Comme d’habitude. Un « Dollar Store white boy with an unregistered, easily purchased semi-automatic light rifle ». Il y a des chums qu’on achète au K-Mart et des terroristes qu’on achète au magasin à une piasse.

Deux ou trois heures après l’attentat raté, on s’en est pris aux médias qui auraient tenté d’atténuer les choses. Des captures écran de titres des grands médias circulaient pour essayer de prouver que l’information était biaisée. On pouvait y lire que Trump avait été évacué, que des détonations avaient été entendues, etc. Le reproche étant que les médias se refusaient à parler de tentative d’assassinat. Mais ces captures écran dataient des premiers moments suivant la nouvelle. On reprochait donc aux médias de ne pas avoir dit ce qu’ils ne savaient pas avec certitude. Comme disait Mark Twain:

« Un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures. »

Au moment où ces captures circulaient, deux heures après les faits, tous les médias parlaient d’une tentative d’assassinat. Ceux qui avaient été vites sur la gâchette pour désigner un coupable reprochaient aux médias d’avoir pris le temps de s’assurer de ne pas diffuser d’informations erronées.

Ironiquement, les mêmes personnalités médiatiques qui s’indignent qu’on leur accorde de l’importance donnent de l’importance aux autres personnalités médiatiques. Ce sont les mêmes qui se dédouanent de toute influence sur l’opinion publique. Ils étaient fâchés que certains les accusent d’avoir du sang sur les mains suite à la tuerie de la mosquée de Québec. Ils disent qu’ils n’ont rien à voir avec la montée du Parti conservateur du Québec, que le troisième lien n’est pas un projet créé artificiellement par une élite médiatique locale. Non, nous assurent-ils, les gens se font leurs propres opinions, ils n’ont rien à voir là-dedans, il faut faire confiance au peuple. Le même peuple qui, tout d’un coup, croirait aveuglément ce que disent les médias à propos de Trump. Les médias brainwasheraient ces gens, mais eux s’excluent de cette équation.

Et puis le lendemain, paf, on apprenait que le gauchiste violent avec un gun était en fait un républicain. Il portait le chandail d’une chaîne Youtube pro-guns. Ses anciens collègues de classe le décrivaient comme un ardent conservateur. Bizarrement il avait donné 15$ à une organisation démocrate alors qu’il avait 17 ans. Le portrait n’est pas encore clair, mais le gars n’était clairement pas un antifa. Peu importe ses allégeances, dans un monde idéal, ça serait le fun d’arrêter de récupérer tout, tout le temps. En attendant ce monde idéal, les milices américaines fourbissent leurs armes.

On pourrait dire que les Rebel News, Jeff Fillion, Radio X et autres influenceurs de sous-sol offrent un produit niché. Mais je pense qu'ils sont le canari dans la mine. C'est une niche qui est devenue un chenil aux États-Unis et tranquillement, on normalise ces discours chez nous.

Bref, encore une fois, on voit qu’il y a des gens de gauche, du centre et de droite, et il y a des mal-pensants qui veulent juste sacrer le bordel pour s’attirer des abonnés. Et encore une fois ici, par leur imperméabilité à la nuance et à la vérité, ils n’ont pas déçu. Réfléchir avant d’agir n’est plus un prérequis pour rester crédible. Nous sommes dans un monde où il vaut mieux agir, quitte à être complètement dans le champ. S’il se trouve qu’on avait raison, tant mieux, on aura fait réagir. S’il se trouve qu’on avait tort, tant mieux, on aura fait réagir. Le reste n’a plus d’importance.

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