Tremblements au Japon

Un genre de compte-rendu de mon voyage au Japon

Tremblements au Japon

Je suis revenu du Japon alors je vais vous parler un peu du Japon, comme si on était au Canal Évasion (ça existe tu encore?).

TL;DR: j’ai adoré le Japon.

Ça faisait longtemps qu’on voulait aller au Japon en famille et le temps commençait à nous manquer. On se doute bien que nos ados ne nous suivront pas en voyage éternellement (alléluia) parce qu’ils travailleront, auront des blondes (ou peu importe le chromosome de leur être cher) ou nous trouveront ringards. Le timing était bon, en autant qu’on peut trouver bon le timing d’aller au Japon pendant l’été le plus chaud de l’histoire de l’univers. Attention, traumavertissement, ce qui suit pourrait vous choquer: j’ai tellement sué qu’à un moment donné je sentais le petit jus de restant de sac de fromage en crottes. Ça n’a pas semblé venir à bout de la cordialité japonaise. Les Japonais ont des parasols (j’ai souvent passé proche de perdre un œil), des ventilateurs portatifs, des guenilles rafraichissantes et même des vestes climatisées. Et ils sont tous habillés en long.

J’adore planifier des voyages et j’avais travaillé fort sur celui-là. Ma blonde m’a d'ailleurs envoyé cette vidéo qui résume bien nos états d’esprit et notre contribution respective à sa planification.

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Un monde civilisé

Je ne tirerai pas de conclusions sur la société japonaise après l’avoir côtoyée pendant seulement trois semaines, mais il y a quand même de grandes lignes qui me semblent évidentes. Ce que j’ai vu là-bas, c’est une société où les gens s’efforcent de ne pas gosser les autres. Enfin un pays civilisé! Entre autres, les gens sont silencieux, pas mal partout. Il y a même une affiche pour demander de se la fermer en prenant l’ascenseur. Les Japonais vont des efforts constants pour ne pas déranger autrui. Le paradis.

C’est drôle parce que Richard Martineau, Sophie Durocher et moi sommes allés au Japon cet été. Pas ensemble par contre. Le couple en est revenu transformé. Ils ont beaucoup aimé cette idée de faire passer la collectivité avant l’individu. J’espère que ça va se refléter dans leurs propos.

Les gens sont silencieux dans le métro et les endroits publics et ils ne bloquent pas le chemin dans les escaliers roulants. Ça, j’ai aimé ça. Combien de fois je sacre (dans ma tête) après les zoufs qui bloquent le chemin dans nos escaliers mécaniques quand je suis dans le métro de Montréal? Trop souvent. Au Japon, les gens font la file et la font comme du monde. Ils se tassent du chemin. Ça fait qu’au final, tout roule mieux. Et lorsqu’ils dérogent de ces règles sociales, ils s’excusent. Les Japonais s’excusent souvent. Tu leur rentres dedans et ils s’excusent, même s’ils n’ont rien à se reprocher. La honte d’avoir été dans votre chemin au mauvais moment les incite presque au seppuku. Ils sont aussi toujours en train de dire merci. Les arigato gozaimasu coulent à flot pour tout et pour rien. C’est sans doute exagéré, mais c’est mieux que de s’envoyer chier.

Il y a beaucoup de choses dont on devrait s’inspirer du Japon. Pas besoin de vous dire que les transports sont efficaces en titi. Les trains sont à l’heure, ce n’est pas un mythe. Et ils sont nombreux, rapides et propres. Les gens font attention au mobilier au point où le métro d’Osaka peut se permettre des sièges en velours.

Tu peux tout faire en transport en commun au Japon. On est très loin de VIA Rail. Les métros sont très développés et Google Maps offre de nombreuses propositions de trajets. Heureusement parce que je ne suis pas sûr que j’aurais compris le plan du métro de Tokyo.

En plus, tous les transports en commun peuvent être payés grâce à une carte Suica ou PASMO. Une carte installée sur son téléphone qui permet d’acheter des titres de transport pour tous les réseaux du pays. Les sociétés de transport japonaises ont décidé de se parler entre elles. Du génie. Les cartes peuvent même servir à acheter des cossins dans certains commerces et machines distributrices (il y a des machines distributrices partout). J’ai même acheté des beignes Krispy Kreme avec ma Suica. Que voulez-vous, un moment donné, on veut prendre un break des ramens au petit-déjeuner.

En mars dernier, quand la neige fondait sur Montréal, tous les commentateurs de l’actualité ont évoqué le Japon et son absence de poubelle. J’en avais fait un montage. C’est vrai qu’il n’y a pas de poubelles et que c’est super propre dans les rues. C’est une question de civisme et d’autodiscipline. J’imagine que si on décidait nous aussi d’abolir les poubelles, les gens finiraient par faire comme les Japonais et rapporter leurs vidanges à la maison. On a encore des clowns qui se battent pour le retour des pailles en plastique, alors j’imagine que ce serait tout un combat à mener.

Pas que du positif

C’est bien beau tout ça, mais il n’y a pas que du bon dans la gestion des déchets nippone. Le suremballage est terrible. Chaque bébelle ou aliment que tu déballes révèle un deuxième emballage. Et ils en ont des bébelles. C’est le royaume du cossin cheap emballé dans trois couches de plastique. Moi qui suis découragé des personnes qui mettent leurs bananes dans des sacs en plastique à l’épicerie, je me suis presque évanoui devant leurs étals de citrons emballés individuellement. J’imagine qu’ils compensent en consommant moins de papier de toilette. Toutes les toilettes sont munies de bidets, comme il se doit dans une société moderne. Et les toilettes sont propres. Comme le disait un humoriste américain que je me souviens plus c’est qui: « Tu entres dans une toilette publique japonaise en tu en ressors plus propre qu’au départ. Tu entres dans une toilette américaine et tu en ressors avec un choc post-traumatique. »

Je disais que le Japon était parfait pour le transport en commun, mais c’est autre chose pour le vélo. Il n’y a pas vraiment de pistes cyclables dans les grandes villes et les vélos roulent sur les trottoirs, entre les piétons. Mario Dumont capoterait. Bizarrement, aucun japonais ne porte de casque en vélo. C’est peut-être parce que tout le monde respecte scrupuleusement la signalisation routière. Je n’ai vu aucun piéton traverser sur une rouge, même lorsqu’il n’y avait aucune voiture à l’horizon.

Aussi, il semble que ce soit moins pire qu’avant, mais les Japonais ne sont pas toujours friands des étrangers. Je n’ai pas beaucoup senti ça, ceci dit. Peut-être qu’il nous est arrivé d’être refusés dans certains restaurants sous de faux prétextes, mais c’est dur à dire. J’ai vu au moins un resto, à Kanazawa, avec une affiche en anglais qui disait: « Si vous entrez ici, vous parlez japonais ». Tôjaponicitte! Faut dire que l’anglais des Japonais n’est pas toujours au point. Google Traduction est ton ami, au Japon. À la gare de Kyoto, il y avait deux sections de taxis: les taxis normaux et les taxis gentils avec les étrangers. On a choisi la deuxième option.

Tous les taxis que nous avons pris étaient « friendly », par contre.

Par contre, les Japonais aiment beaucoup le français. Tout plein de commerces ont des raisons sociales en français. Comme l’expliquait ma conjointe de fait à nos enfants, le français est considéré comme chic partout dans le monde, sauf au Canada.

La bouffe

Une des principales raisons qui nous a donné envie du Japon, c’est la bouffe. Et nous avons été servis. Tout est bon au Japon. Les sushis, les ramens, les brochettes de poulet pas assez cuit, les omelettes avec trop de sauce dessus ou les timbits de pieuvre. Il y a des tonnes de restaurants, partout, partout. C’est à croire que les Japonais ne cuisinent pas souvent à la maison. J’ai trouvé par contre que les plats japonais manquaient de légumes. Nous nous sommes parfois rabattus sur les petites épiceries pour essayer de nous faire des petites salades dans nos petites chambres d’hôtel. J’ai même fait du blé d’Inde au micro-ondes à Takayama. On se serait cru à Neuville.

Nous sommes allés dans deux restaurants qui offraient un menu de type omakase, c’est-à-dire une série de petits plats que tu ne choisis pas. Omakase veut dire quelque chose comme « je m'en remets à vous ». Je ne suis pas certain de savoir de quoi tous ces plats étaient constitués, mais j’y ai découvert beaucoup de saveurs singulières. Ça arrive souvent, au Japon.

Dans un concert, j’ai commandé une « calpis beer » pour me rendre compte que c’était une bière mélangée à un jus issu de la fermentation du lait écrémé. C’était meilleur qu’une bière Clamato.

Nous sommes aussi allés dans un ryokan, ce type d’hôtel traditionnel japonais muni de bains thermaux. Dans le fond, c’est comme un spa où tout le monde est à poil, mais avec de l’eau de source géothermique. C’est un peu moins attirant quand il fait 40 degrés Celsius, mais c’était relaxant quand même. Ces ryokans offrent des futons directement sur des tatamis et des repas traditionnels où les convives portent des genres de pyjamas japonais, les yukatas. Les repas sont constitués de plein de petites affaires que tu sais pas dans quel ordre manger. Les déjeuners sont aussi comme ça. J’étais déboussolé comme le serait un japonais qui débarque dans une cabane à sucre en Beauce.

Pour notre deuxième déjeuner, ils nous avaient préparé quelque chose de plus occidental, c’est-à-dire une omelette avec une grosse splouche de ketchup dessus. Ils ont dû nous prendre pour des Américains…

Les paysages

Voilà pour les impressions générales. Pour ce qui est du voyage en tant que tel, je me suis souvent demandé à quel point j’étais dans le vieux Montréal ou le vieux Québec du Japon. Qu’est-ce qui est un attrape-touriste et qu’est-ce qui ne l’est pas? Ça fait partie de la game de ce genre de circuit. Bien sûr que les touristes vont se ramasser dans les lieux touristiques. Surtout quand t’as l’air comme moi d’un Hunter S. Thompson sobre. Je n’ai jamais senti qu’on tentait de m’arnaquer.

Nous avons visité plusieurs types de lieux. Des villes bladerunneresques comme Tokyo et Osaka, l’île paradisiaque de Naoshima et des montagnes magnifiques dans les alpes japonaises. Le chemin entre Nagoya et Takayama m’a fait pensé à la vallée de la Matapédia mais en mieux. Désolé aux gens de Causapscal. Nous avons été pris dans un orage en randonnée à Kamikochi, mais au moins j’ai vu un singe en liberté. Par contre, je n’ai pas vu d’ours même s’il y avait des affiches partout de faire attention aux ours. Tous les Japonais ont des clochettes pour éloigner les ours accrochés à leur sac à dos même si la science nous dit que ça sert fuck all.

Tous les paysages dans le coin de Takayama sont à couper le souffle. À Naoshima, une petite île consacrée à l’art, nous avions la chance d’être logés près de la mer. Très pratique en temps de canicule. Il y a plusieurs petits musées sur cette île, ainsi que beaucoup d’art urbain, dont les fameuses citrouilles de l’artiste Yayoi Kusama qui souffre de schizophrénie et qui a demandé elle-même à être internée.

Parmi les grandes villes, Osaka est plutôt bordélique au sens japonais du terme (c’est-à-dire, pas tant que ça) et Kyoto est plus polie. Un genre d’Ottawa, mais en plus beau et avec de la meilleure bouffe.

Rock and roll

Une des choses que j’ai le plus aimée, c’est d’assister à des événements. Je suis allé au tournoi de sumo à Nagoya, voir un concert punk et/ou rock à Tokyo et voir du baseball à Tokyo. J’ai adoré le sumo. Tout y est une question de rite (et de rythme). C’est vraiment beaucoup de simagrées rituelles pour des combats de 30 secondes, mais ça fait la beauté du spectacle. C’est le fun à regarder, mais je ne suis pas sûr que j’aimerais pratiquer ce sport. Parce que les j-string n’ont pas l’air super confortable, mais aussi parce que je serais impatient. Quand je joue au hockey, je trouve que la période d’échauffement de deux minutes est trop longue, alors de pense que je me tannerais d’attendre mon tour pendant plusieurs heures et de faire des petits danses rituelles pendant dix minutes avant de mener l’assaut. En passant c’est un Mongol qui a gagné le tournoi, mais pour être accepté parmi l’élite du sumo, il a dû renoncer à sa nationalité.

Des amis à nous étaient au Japon en même temps et nous avons fait beaucoup d’activités avec eux. Notamment, le show de rock dans un petit sous-sol de Tokyo. On va se le dire, on détonnait dans cette foule de 150 Japonais qui avaient en moyenne 23 ans. Quatre quarantenaires blancs et leurs trois ados, tous plus grands d’une tête que les Japonais. Dans une salle relativement grande, on aurait détonné, mais dans cette salle-là, on était pas mal trop voyants. C’était un show de rock assez agressif, mais les Japonais ne bougeaient pratiquement pas. Ils étaient presque tous à deux pieds les uns des autres et ne disaient pas un mot entre les chansons. C’était le silence total. Faut dire que c’est un peu bizarre aussi un concert rock qui commence à 18h45. À 21h30, une heure où commencent les shows chez nous, c’était terminé.

Nous sommes aussi allés au cinéma, parce que tsé, des fois, ça fait du bien de prendre une pause à la clim. Les Japonais sont encore une fois très silencieux dans les salles de cinéma (merci pour ça!) et restent jusqu’à la fin du générique, même jusqu’au bout où on apprend que Deadpool a reçu l’aide de la SODEC. Nous sommes aussi allés au fameux Teamlabs Planet, cette expérience multisensorielle (genre) où tu te promènes nu-pieds, souvent dans l’eau. Une belle expérience si vous n’avez pas la phobie des verrues plantaires. Nous sommes aussi allés au karaoké à Tokyo et j’ai chanté l’aigle noir. Je vous épargne la vidéo.

Le dernier soir, nous sommes allés au Tokyo Dome voir un match des Giants de Tokyo. Le baseball est très populaire au Japon et les partisans sont crinqués en titi. Ça ressemblait plus à des partisans de soccer, comme les ultras à Montréal. Ils ont chanté tout le long du match et certains avaient des trompettes. Des vraies trompettes, pas des gogosses en plastique. L’équipe adverse (les Carps d’Hiroshima, dans notre cas) a aussi sa section dans le stade et même des kiosques pour vendre leur marchandise. On ne verrait pas ça ici. Les équipes nippones sont fortement inspirées des équipes de la MLB. Les Carps utilisent le logo des Reds de Cincinnati. Les Giants ont les couleurs et le lettrage des Giants de San Francisco.

« Les Yomiuri Giants ont basé leur nom et leurs uniformes sur ceux des Giants de New York (maintenant les Giants de San Francisco). Le lettrage stylisé sur les maillots et les casquettes de l’équipe est similaire au lettrage orné utilisé par les Giants lorsqu’ils jouaient à New York dans les années 1930, bien que dans les années 1970, les Yomiuri Giants aient modernisé leur lettrage pour suivre le style porté par les Giants de San Francisco. »

L’offre alimentaire était évidemment incroyable. J’ai mangé des nouilles soba dans un casque de baseball.

Contrairement à nos stades nord-américains, il ne semble pas y avoir de contrats d’exclusivité avec des marques, ce qui fait qu’on a l’embarras du choix en matière de bouffe et de boisson. Mon appréciation du saké n’a pas tellement changé pendant ce voyage (même si j’ai assez aimé un saké non filtré qui ressemblait à du pudding au riz liquide), alors je me suis contenté de quelques bières.

Le jour précédent notre départ, les autorités japonaises ont lancé une alerte au tremblement de terre inédite. Une alerte au « méga séisme » (megaquake): « C’est la première fois qu’un tel avertissement est émis depuis la mise en place d’un nouveau système d’alerte après le tremblement de terre dévastateur survenu en 2011, qui a entraîné un tsunami meurtrier et une catastrophe nucléaire. » J’avais quand même un peu hâte que mon avion décolle.

Nous avons donc évité le tremblement de terre du siècle pour arriver à Montréal en pleine inondation du siècle. Après une heure de train, trois heures à l’aéroport de Tokyo, douze heures de vol, j’ai passé deux heures en taxi entre l’aéroport de Montréal (l’aéroport trou d’eau dans ce cas-ci) et chez moi, dont une heure sans bouger sur la 40 qui était fermée. Au moins, je suis arrivé chez moi pour voir que ma sum pompe avait fait du beau travail. Tout est bien qui finit bien.

Ce fut un voyage formidable donc. Bien sûr, ce fut aussi un voyage qui coûte un bras. Les billets d’avion, surtout. Une fois là-bas, ce n’est pas trop pire. Et ça en vaut totalement la peine. Je pense que j’aurai envie d’y retourner…

Arigato gozaimasu!

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