Une question de feeling et une réponse de feeling aussi

Au menu: Pourquoi les gens confondent influence et pertinence, la délinquance routière, la fin des magazines et la nouvelle série sur Canadien.

Une question de feeling et une réponse de feeling aussi

Semaine assez folle en matière de politique. J’ai même rencontré Justin Trudeau depuis la dernière fois où on s’est « parlé ». C’est pas rien (mais c’est pas grand-chose non plus). Je raconte ça ici.

Biais de surconfiance

Je suis tombé cette semaine sur une discussion dans une certaine radio à propos de la deuxième tentative d’assassinat de Donald Trump. En gros, les animateurs et collaborateurs s’entendaient sur le même scénario que les populistes de la droite américaine à ce sujet: les démocrates contribuent à créer un climat politique nauséabond en critiquant trop agressivement Trump, ce qui mène à ce genre de violence. C’est la tendance depuis quelques années que d’accuser les autres de faire quelque que l’on fait nous-mêmes. Leur point de vue n’est pas très étonnant parce que ces animateurs suivent les animateurs de Fox News et autres influenceurs du gros bon sens dans leurs balados respectifs. Ils importent ici la rhétorique de ces vedettes de la loi du moindre effort intellectuel en la traduisant dans la langue de Jeff Fillion. Le prêt à penser se propage d'influenceur en influenceur.

Je sais, on parle trop des États-Unis dans nos médias. Mais faut avouer que comprendre ce qui se passe là-bas nous aide à comprendre ce qui se passe ici. À moins que ce soit le contraire? En tout cas.

Je me disais que n’importe qui qui est capable de faire la part des choses voit bien que Trump incite à la haine tous les jours. Et ce n’est pas subtil.

Les exemples pullulent et je n’ai pas envie d’en faire la liste ici, mais c’est sans commune mesure avec les propos des démocrates qui disent que Trump est une menace à la démocratie. Cette façon de voir les choses est complètement tordue: Trump lance des insultes au quotidien envers ses ennemis, nie les résultats des élections, promet de jouer au dictateur et quand ses adversaires disent qu’il menace la démocratie (parce qu’il la menace), et bien ils nous disent qu’il faudrait cesser de répandre la haine.

À ce sujet, cette image d’une chronique à Radio X est assez ironique merci.

Comme l’a écrit Mathieu Charlebois sur Threads, « le haut et le bas de cette image devraient avoir une petite jasette ».

Donc, une personne capable de faire la part des choses devrait comprendre tout ça, et ça m’amène sur une autre question que ces mêmes traducteurs ont abordée: la proportion de démocrates dans les universités. Dans une dénonciation en règle de la situation, un commentateur de sous-sol nous a expliqué que les médias étaient déconnectés des gens parce qu’ils ne faisaient pas appel à des journalistes ou à des experts républicains. Il citait un économiste (libertarien, à ce que j’ai découvert) qui publiait un graphique de 2018 confirmant que très peu de profs d’université s’identifiaient comme républicain, et particulièrement dans les domaines de la communication:

S’en est suivi une discussion sur la popularité des animateurs de balados aux États-Unis qui sont beaucoup plus écoutés que ces journalistes ou les experts. Leur démonstration était assez éloquente: les gens qui savent de quoi ils parlent ont plus tendance à être démocrates tandis que les influenceurs qui se fient sur leurs feelings sont plus républicains. Et selon eux, les deuxièmes étaient plus crédibles parce qu’ils ont énormément d’auditeurs. C’est quelque chose que je vois souvent sur les réseaux sociaux: « ce que tu dis n’est pas bon puisque tu n’as que 12 likes ». Je paraphrase, parce que ça ressemble plus à « Lol 12 likes loser de subventionné 🤡 🤡 ». On confond influence et pertinence.

Selon lui, cette disproportion serait due au fait que les gens de droite se font intimider à l’université. C’est la seule hypothèse qu’il a trouvée. Je suppute (si vous me permettez de supputer) que peut-être que confrontés à la nécessité d’utiliser une méthodologie scientifique, de faire des recherches empiriques, d’évaluer tous les facteurs externes et les biais qui pourraient expliquer une situation, les aspirants communicateurs de droite réalisent que ce serait beaucoup plus simple et payant de se faire aller le Dunning-Kruger devant un micro. Et comme l’a très bien expliqué Élisabeth Vallet à notre émission, les médias qui cherchent à présenter les deux côtés de la médaille se voient astreints à faire appel à des personnes qui sont peut-être bien intentionnées, connaissent l’actualité, mais qui ont la confiance des ignorants parce qu’ils ne vont pas au-delà de leurs feelings.

Ça n'a pas rapport avec la gauche et la droite au fond, mais entre deux visions du monde, dont l'une pour qui les faits arrivent en deuxième. Ce n’est pas une question d’intelligence non plus. Au contraire. Il faut être intelligent pour réaliser que c’est plus facile de jouer avec les bas instincts des gens. Ou c'est peut-être juste que les trumpistes sont stigmatisés à l'université...

Délinquance routière

Nicolas Marcotte nous revient encore avec une belle vidéo pour montrer la délinquance de certains automobilistes.

J’ai toujours trouvé bizarre l’insistance de plusieurs à se plaindre des cyclistes qui ne font pas leur stop. C’est tata, mais c’est moins dangereux pour autrui (dans « moins dangereux », il y a le mot « moins », en passant). En voiture, on est protégés, on peut se permettre des écarts de « conduite ». En vélo, il faut être hypervigilant tout le temps. Je dis ça en connaissance de cause puisque je vais travailler en vélo (à assistance électrique) tous les jours depuis un mois. Je m’adapte tranquillement. Jeudi matin, un gars m’a coupé dans la piste cyclable pour entrer dans le parking d’un A&W. J’ai freiné sec et l’ai presque embouti. Imaginez, mes enfants auraient pu perdre leur papa parce qu’un gars était trop pressé de manger un Papa burger. Le monsieur dans sa Firefly, lui, n’aurait rien senti.

Plogues

Revues culturelles

Dans Le Devoir cette semaine, on pouvait lire un texte sur les magazines culturels qui sont en voie de disparition puisque plusieurs ont vu leurs subventions coupées:

« Esse, Planches, Ciel variable, Ciné-Bulles, Moveo, Nouveaux cahiers du socialisme (oui ! oui !)… Bien peu de Québécois connaissent ces publications, jugées performantes à partir de 1000 abonnés. Trop nichées ? Plus de leur époque ? Absolument pas, selon Gina Cortopassi, rédactrice adjointe d’Espace, qui compte 250 abonnés. « Les périodiques culturels animent, alimentent et légitiment des milieux de pratique et des communautés artistiques spécifiques, explique-t-elle. Ils offrent une voix à leurs acteurs et un rayonnement en dehors des lieux de présentation traditionnels — centres d’artistes, maisons de la culture, musées, théâtres. Ils sont essentiels au développement des pratiques et des discours pour les décrire, les comprendre et les apprécier.  » → Accéder à l'original

Je suis un partisan d’un financement plus grand de la culture. Je pense que la vie culturelle a un grand impact sur le reste de la société et qu’il faut faire vivre des artistes et des intellos même si leurs activités ne « rapportent pas ». Par contre, j’ai l’impression qu’il faudrait aussi épauler les éditeurs et producteurs pour qu’ils se sortent des carcans d’antan. Je suis désolé, mais un magazine, ça ne correspond plus à notre époque. Je sais que certains les lisent encore, comme certains utilisent encore des livrets de banque, mais si on veut que les idées circulent, il leur faut un écrin plus moderne. On lira des livres sur papier pour encore un bout, mais pour des formats plus courts, nous sommes passés à autre chose.

Fanny Britt

J’aime bien Fanny Britt. Ici elle parle de son nouveau roman jeunesse et de l’anxiété « ordinaire »:

« Au moment de notre rencontre, Fanny revient à peine de ses propres vacances dans le Bas-Saint-Laurent où elle possède une seconde résidence. « Tu sais, il y a toujours un moment en vacances où tu finis par décrocher et te sentir vraiment bien. Ça m’est arrivé plus tôt, ce mois-ci, et je me disais qu’il ya du monde qui se sent comme ça tout le temps. Ça doit vraiment être le fun », se remémore-t-elle. »

Bien vrai.

Canadien 24/7

J’ai regardé cette semaine les deux premiers épisodes de la série sur Canadien, disponibles sur Crave. Les caméras ont suivi l’équipe tout au long de la dernière saison. On veut ici faire comme la série sur la F1 de Netflix et montrer les coulisses du monde du sport.

Évidemment, on parle d’une équipe plutôt conservatrice qui n’a pas tendance à laver son linge sale en public. Je ne m’attendais pas à des scènes spectaculaires et des révélations fracassantes, et je n’ai pas été déçu (dans le sens qu’il se passe pas grand-chose). Les joueurs ne sont pas tellement plus intéressants que lorsqu’ils donnent des entrevues entre les périodes. Ça n’avait pas l’air de tenter à Caufield d’être là, et Suzuki est un peu plate. On a droit aussi aux classiques de Martin St-Louis, « la game dans la game », ou « jouer aux échecs plutôt qu’aux dames », mais en d’autres mots. Il y a de longs moments avec des partisans qui ne sont pas particulièrement intéressants. Ça semble avoir été mis là pour combler du temps.

Par contre, il y a des sacres. C’est-à-dire qu’il y a des « fuck », parce que la plupart des protagonistes sont anglophones. Il y a aussi un moment où un gars croise Geoff Molson dans le corridor le soir du match inaugural et lui dit que les cérémonies au début étaient les pires de l’histoire. Molson concède plus tard que c’était un peu poche. Voilà pour les bouts plus « crunchy ». Pas de quoi écrire à sa mère. En fait, le seul scandale qu’on peut voir, c’est que la blonde de Brendan Gallagher (une doctorante aux HEC) fait des muffins avec de la margarine. Tsé. Eille.

Bref, pas beaucoup de « drama », mais ça veut pas dire que j’ai pas adoré regarder ça et que j’en manquerai aucun épisode. C’est Canadien, après tout! Très hâte de voir le moment où ils vont inventer le « mix »!

Musique

Un peu de Choses Sauvages?

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